Lettre d’information 1999 (Archives)
⭕️ Afin de faciliter la lecture, nous vous proposons le facsimilé et une transcription d’extraits.
Cette sélection d’archives a pour but de présenter le travail des membres de l’association et le combat pour relayer l’information. Les lettres d’information étaient imprimées en noir et blanc.
📆 1999
EDITORIAL
Frédérique Bouddel
La liberté par-dessus tout
25000 étudiants dans les rues de Téhéran et d’autres villes iraniennes, un appel à la répression d’Ali Khamenei, guide suprême de la révolution, et de Mohammad Khatami, président de la république Islamique : les étudiants iraniens ne lisent pas les analystes occidentaux ou iraniens, ils ne théorisent pas sur la modération, ils réclament « La liberté ». Deux ans après l’élection de Mohammad Khatami on leur demande de ne pas réagir à la mort de leurs camarades et des intellectuels, et de continuer de subir l’humiliation quotidienne des patrouilles de mœurs afin de ménager un régime qui depuis leur naissance les opprime. Le culte du martyr des mollahs qui ont eu tout à gagner à sa propagation se heurte à l’étouffement d’une jeunesse, majoritaire dans le pays, qui n’a plus rien à perdre. On leur demande de refuser la violence ? leurs souvenirs d’enfance sont de souvenirs de guerre (8 ans contre l’Irak) et de répression de leurs ainés. L’héritage du régime est une liste de deuils, d’exils. Les étudiants ne veulent plus se soumettre, ils ont été immunisés par plus de vingts ans d’attente. L’Islam, bien sur, n’a rien à voir avec tout cela, il ne s’agit que du pouvoir qu’une minorité dirigeante veut imposer à une majorité.
Pour nous tous, c’est une nouvelle douleur de voir la jeunesse payer le prix de la liberté. Nous ne pouvons qu’espérer que cette douleur sera la dernière. Pour les enfants des révoltés de Téhéran, les récits de la république islamique seront peut-être de l’histoire.
Moha et ses membres condamnent la répression
Décrétée par les dirigeants de la république Islamique
contre la jeunesse iranienne
Vous trouverez les dernières informations de la révolte des étudiants sur www.moha.org. Notre site sur internet a considérablement renforcé notre action, notamment à l’intérieur de l’Iran. Le site a été financé grâce à une bourse de Laraerforbundet (association des enseignants norvégiens). Nous les remercions pour leur confiance et leur soutien.
Présent et futur
Bilan et projets
Des soutiens, des rencontres et des collaborations.
Présence de MoHa
(…)
– Forum des droits de l’homme » : le 17 octobre. Fariba Hachtroudi, présidente de MoHa, a participé au forum organisé par Génération Ecologie à la Convent libérale. L’organisatrice, Patricia Lalonde, a réuni autour d’une table ronde sur « La femme face à l’intégrisme » Emme Bonino, commissaire à l’action humanitaire au Parlement européen, Choukria Rahman, présidente de l’association Negar pour la défense des droits de la femme afghane, et Khadidja Khali, présidente de l’association des femmes musulmanes de France. Fariba Hachtroudi a vivement dénoncé la condition de la femme en Iran sous la présidence de Mohammad Khatami, en rappelant que les lois de la chai’a sont toujours appliquées à la lettre.
– Le 24 novembre, MoHa a été convié au colloque « XXIème siècle : les enjeux de l’éducation » de l’association éducative Celia (association d’enseignants et de parents).Etaient conviés aux débats des professeurs de philosophie, des éducateurs et madame Françoise Hostalier, ancien ministre de l’enseignement secondaire. MoHa a centré son discours sur la nécessité d’enseigner les droits de l’homme dès l’école primaire.(…)
– Conférence annuelle de l’association philosophique Averroès (Ibn Rushd) du 4 au 11 décembre 1998 au Caire : animée par le philosophe Murad Wahba et la philologue Mona Aboussena (respectivement président et vice-présidente de l’association, la conférence était subventionnée par l’UNESCO, la Ligue arabe, l’institut Goethe et les ministres égyptiens de l’Enseignement supérieur et des Affaires étrangères. Le fondamentalisme et l’enseignement de la philosophie étaient les thèmes traités cette année par les philosophes, écrivains, chercheurs, écrivains et journalistes, dont Fariba Hachtroudi pour MoHa. Le travail de l’association Averroès est remarquable et mérite d’être connu. Aussi avons-nous décidé de présenter les contours de son action et de donner des échos de la publication du colloque dans nos Lettres et sur notre site internet.
– Congrès national du syndicat des enseignants (du 22 au 25 mars 1999) à Poitiers : MoHa se félicite d’avoir été parmi les invités du congrès. Outre l’Iran, l’Algérie, la Palestine, la Bosnie, l’Argentine et le Québec étaient présents grâce aux amis et enseignants et syndicalistes.(…)
Presse
Magazine Octobre 1999 (Le Caire) :
Interview de Fariba Hachtroudi : « Kathami n’a rien fait de concret : nous jugeons les dirigeants par leurs actes et non par leurs promesses électorales(…) ».
Radio :
RFI (Vichy sommeil), France inter, France Info et la Raï (radio).
La Republica (Rome) 8 mars 1999 :
La rabbia dei dissidenti « Italia, fai un grave errore »
L’enseignant, congrès de Poitiers du 23-26 mars :
Association Mohsen Hachtroudi : Fariba Hachtroudi (Iran) : « Quelques mots clés illustrent les valeurs défendues au sein de l’organisation MoHa : laïcité, lutte contre les exclusions, solidarité. Contrairement à l’image qu’il veut donner, le bilan des deux dernières années du pouvoir en Iran reste catastrophique : 8 lapidations, 300 exécutions publiques et les lois de la Charia toujours en vigueur auxquelles s’ajoutent maintenant deux nouvelles lois ségrégations contre les femmes.
Les enseignants font partie d’une des couches les plus défavorisées de la population. L’organisation MoHa ne combat pas les personnes mais la politique de fascisme religieux qui règne en Iran.
Télévision :
TF1 et Antenne 2, interviews à l’occasion du voyage en Italie de Mohammad Khatami (mars 1999).
Peuple du Monde (Paris) Décembre 1998 :
Parole d’exilée : Présidente de l’association MoHa, Fariba Hachtroudi prêche la laïcité, la tolérance et la liberté d’expression. Pour cette journaliste-écrivain (L’exilée, Payot 1991) « Khatami n’est qu’un borgne chez les aveugles ».
Vie et nouvelles des iraniens et de l’exil
Enseignement et jeunesse.
Révolte estudiantine.
Dans plusieurs villes iraniennes dont Téhéran, des milliers d’étudiants manifestent contre la violation des libertés aux cris de « la mort ou la liberté ».
Depuis le 8 juillet, les émeutes universitaires s’amplifient. La répression policière a causé la mort de 5 étudiants selon le bilan officiel – selon d’autres sources le chiffre serait sous-estimé. On parle également de centaines de blessés et d’arrestation massive d’étudiants. On est sans nouvelles de certains blessés.
Le 11 juillet 1999 : plus de 25 000 étudiants sont descendus dans le campus de l’université de Téhéran. Des milliers d’autres ont suivi leur exemple dans d’autres villes du pays (Machad, Tabriz, Ispahan, etc.). Toutes les autorités du pays ont appelé à la répression des manifestations. Les étudiants, rejoints par la population, font face au régime, du guide à la présidence.
Les universités : bilan d’une année.
(…) Les autorités ont dépêché des unités du Bassij (forces de mobilisation volontaire) armés dans les campus universitaires ce qui a donné lieu à une nouvelle vague de manifestation. « Accélérer la politique d’islamisation des universités » reste le mot d’ordre des responsables universitaires. L’application de ce projet est un casse-tête pour le régime. Les responsables d’associations universitaires légales sont arrêtés ou convoqués. Les milieux humanitaires internationaux s’inquiètent de la disparition d’étudiants.
Disparitions.
Khaled Rostman a été porté disparu depuis la fin de l’année dernière (Hebdomadaire Aban, 2 janvier 1999).
Reaza Sendegel, membre du conseil universitaire de Machad, a été arrêté par des inconnus et on est sans nouvelles de lui (Khordad, 30 janvier 1999).
Behrouz Abdi, un étudiant militant de l’université Chamran d’Ahwaz, est porté disparu depuis la mi-février 1999 (Radio Israël, 27 février 1999).
Augmentation du taux de suicide chez les étudiants.
A Chiraz, un jeune étudiant s’est jeté du 5ème étage d’un bâtiment du campus, provoquant des manifestations importantes (Radio Israël, 25 février 1999).
Ecole et enseignements secondaires.
Selon les officiels, repris par les journaux rien de ce qui nuit gravement à l’enseignement n’a été résolu dans la dernière année, notamment le manque d’enseignants, d’écoles, d’espaces sportifs, de matériels etc. (cf Lettre de MoHa n°2 et 4).
– Mohammad Reza Pahlevan, responsable de l’éducation physique au ministère de l’éducation publique, affirme que 90% des écolières et des lycéennes iraniennes manquent d’activités sportives et souffrent de léthargie physique (e monde, 17 novembre 1998. (…)
– L’éducation nationale rechigne à embaucher des chômeuses (Zanan).
– Par décret, il est désormais interdit aux hommes d’enseigner dans les écoles de filles âgées de plus de dix ans. Ou aux enseignantes dans les écoles de garçons (AFP, 5 avril 1999).
– Taux de suicide en augmentation dans les écoles de filles. Un exemple : Fatémé Moussavi, douze ans, s’est immolée pour avoir été injustement renvoyée de l’école. Elle est morte à l’hôpital (Iran, 12 janvier 1999).
– La militarisation forcée des jeunes continue : Le ministère de l’éducation a annoncé qu’une loi rendra bientôt obligatoire les cours de formation militaire dans les écoles, sous l’égide des forces Bassij. Jusque-là, seuls les enfants volontaires étaient enrôlés pour des entrainements militaires au sein des unités Bassij (Télévision nationale, 4 janvier 1999).
– Selon le rapport annuel du directeur de l’unité de recherches du Bureau de la lutte anti drogue, le taux de jeunes drogués dans les écoles et les lycées, a doublé en un an (Jomhouri é-Eslami, 9 août 1998). La La majorité des écoliers et lycéens du Lorestan sont drogués (Akhbar, 19 mars 1999). (…)
– Mort de plusieurs lycéennes au Kurdistan iranien : lors des manifestations qui ont secoué plusieurs villes du Kurdistan iranien à la suite de l’arrestation de Abdollah Ocalan, la police anti-émeute a ouvert le feu sur les manifestants. Au moins trois lycéens âgés de treize ans sont morts (Radio Kurdistan).
Liberté d’expression.
La vague de meurtres d’intellectuels de la fin de l’année 1998 démontre que le régime iranien considère ces personnes comme ses ennemis jurés.
Août 1998
Pirouz Davani, responsable d’une revue scientifique, est porté disparu. Sa famille craint sa mort.
Novembre 1998
Dariouch et Parvané Forouhar sont retrouvés égorgés à leur domicile de Téhéran. Tous deux étaient connus pour être de militants politiques de longue date. Il faut noter que madame Forouhar était aussi enseignante.
Majid Charif, écrivain et journaliste, a été trouvé mort sous un pont. (…)
Décembre 1998
Mohammad Mokhtari et Mohammad Djafar Pouyandé, écrivains, ont été portés disparus, puis trouvés mort à Téhéran.
Mohammad Hadji Zadé, poète, a été porté disparu à Kerman. Son corps a été retrouvé peu après.
Djamchid Partowi, médecin, a été retrouvé mort chez lui à Téhéran, pieds et poings liés.
Mohammad Taqi Zahtabi, professeur d’université, est assassiné à son domicile (Téhéran) après un voyage à l’étrabger.
Mohammad Pouyan, écrivain et traducteur, a été porté disparu.
Janvier 1999
Monsieur Rostami, un ami et collaborateur de Pirouz Davani, a été retrouvé mort à Hamedan.
Djavad Emami et sa femme, experts au ministère de la Justice, ont été retrouvés morts égorgés à leur domicile de Téhéran.
Karim Djalili, architecte est assassiné à Téhéran. Il était proche des milieux intellectuels.
Hassan Kaftar Doust, religieux, a été porté diparu à Tabriz. Il avait critiqué le meurtre du professeur Zahtabi.
Hossein Barazandé, religieux, a été kidnappé à la sortie d’une séance de lecture de Coran.
Hassan Kasb Doust, religieux est porté disparu. Il avait critiqué les services de renseignements et les meurtres des intellectuels.
Février 1999
Fatémé Qaem Maqam a été assassinée en février par le commando de la mort des intellectuels. Elle figurait sur la liste des gens à abattre (Zan, 17 mars 1999). (…)
Le procureur Niazi déclare que les criminels relèvent de l’article 206 du code pénal islamique : « En cas de meurtre, l’assassin n’est susceptible d’être châtié que si la victime ne méritait pas la mort aux yeux de la religion. Le meurtrier doit pouvoir démontrer devant la cour que sa victime méritait la mort. » Autrement dit et selon l’article 513 du code pénal islamique, il suffit d’affirmer (avec deux témoins mâles à l’appui) que la victime était contre la religion islamique et l’avait insultée, pour être disculpé. (…)
Liste de 179 personnes à abattre : les journaux iraniens, largement repris par la presse occidentale, ont également fait mention d’une liste d’intellectuels à abattre établie par le fameux groupe de terreur du ministère des Renseignements. (…)
Droits de l’homme, droits de la femme.
Alerte : le ministre des Renseignements a appelé la population, et surtout les jeunes, à la délation. Dès la première semaine du nouvel an, un haut responsable du ministère des Renseignements a demandé, lors d’une allocution télévisée, que la population collabore avec le ministère en dénonçant les éléments suspects. Il a promis de très beaux cadeaux.(…) Khomeyni disait : mon ministère des Renseignements, c’est 30 millions de paires d’yeux et d’oreilles.(…)
– Plus de 300 personnes ont été exécutées en public.
– Le tribunal spécial pour les religieux est vivement contesté par un grand nombre des membres du clergé, qui lui reproche l’arbitraire de ses huis clos ainsi que ses méthodes moyenâgeuses. Après l’arrestation de Kadivar, un haut dignitaire religieux, un mollah s’est immolé dans l’enceinte du tribunal rapporte les journaux au mois de février 1999.
– 2 lapidations à Babol (nord de l’Iran) le 2 février et mi-avril 1999, porte à 11 le nombre de lapidations depuis l’arrivée de Mohammad Khatamt à la présidence.
Les femmes
- Une meurtrière condamnée à la peine capitale par pendaison a eu les mains coupées avant sa mise à mort selon le jugement de talion du tribunal (AFP, 2 février 1999=.
- Faezé Rafsandjani, députée de la capitale, défend les mariages temporaires. Les jeunes des milieux déshérités qui ne peuvent se marier ont ainsi l’occasion, selon la députée, d’ «apaiser leur sexualité » (Aria, 8 mars 1999, [cf. le statut de la femme, Lettre 3].
Solidarité
Les juifs iraniens et la communauté Baha’i.
Juifs Iranians
MoHa est très préoccupée par le sort de 13 juifs iraniens emprisonnés pour espionnage. Notre association se joint à toutes les organisations – humanitaires et droits de l’homme – qui exigent nla libération immédiate de ces compatriotes.
Baha’i
Au cours des 5 derniers mois, un nouvelle vague de persécution a frappé la communauté Baha’i en Iran. MoHa a reçu des lettres alarmantes de l’intérieur du pays. Nous attirons l’attention des organisations concernées sur la recrudescence de la violence et de la violation des droits de l’homme en Iran.
Lorsqu’ils sont persécutés et réprimés, les iraniens, n’ont d’autres choix que l’exil.
MoHa demande aux autorités françaises de prendre en compte l’urgence de ses démarches.