TÉMOIGNAGES d’étudiantes soutenues financièrement par Mo-Ha, parmi des centaines expulsées de leur université : brutalité, arbitraire et illégalité se conjuguent autour de l’obsession du régime pour le port du hijab.
Les faits
Ces quatre témoignages sont symboliques du mépris des autorités pour les droits des centaines d’étudiants, et surtout d’étudiantes, frappées d’expulsion de leur université ces derniers mois. À ce jour, aucun ne sait si et quand il pourra reprendre ses études.
Points communs des récits : obsession pour le hijab, désormais exigé des étudiantes pour l’accès, par exemple, aux examens (rappelons que ce n’est pas un simple foulard mais une sorte de cagoule islamique qui recouvre les épaules).
Les témoignages confirment la brutalité des méthodes, l’arbitraire des sanctions, l’illégalité des procédures qui interdit toute défense.
Les noms ont été omis par sécurité sauf pour Mowloud Safari qui a insisté pour signer. Elle est l’auteur des œuvres présentées ici.
Nous présentons ces 4 témoignages dans leur longueur :
chacun en porte des centaines d’autres
Témoignages
Mowloud Safari, étudiante en Histoire de l’Art et peintre, née en 93, renvoyée de l’université depuis 3 mois.
« Tout a commencé par un appel téléphonique du comité de discipline de l’université pour une histoire de hijab. Je voulais me défendre mais je n’ai pas été informée de la date de la séance.
Une semaine plus tard, la commission de discipline a informé ma famille que j’étais suspendue pour deux semestres. L’ordre officiel ne m’avait pas été communiqué donc je n’ai pas pu faire appel.
Samedi 30 mai, sans préavis, j’ai été empêchée d’entrer à l’université et au dortoir. Je n’ai même pas pu récupérer mes effets personnels. J’ai tout perdu.
Le même jour, j’ai déposé une protestation officielle mais je n’ai pas reçu de réponse. »
NDR Mowloud était la première de sa promotion en peinture et son professeur a pris le risque d’écrire à qui de droit pour protester : pour lui, priver une artiste aussi brillante du droit d’étudier est criminel. Souhaitons qu’il ne soit pas sanctionné à son tour.
Sarina, née en 2002, étudiante en Arts, interdite de cours pour trois semestres
« Parce que le foulard était autour de mon cou, les agents de sécurité de l’université ont voulu confisquer ma carte d’étudiante. J’ai résisté et je l’ai reprise. Le lendemain, j’ai été convoquée au comité de discipline qui m’a menacée pour que je signe des excuses et un engagement à porter le hijab.
Après plusieurs réunions, la commission de discipline a prononcé contre moi une interdiction d’étudier pendant un an et demi pour non-respect du hijab, à effet immédiat. J’ai compris que je ne pourrais pas obtenir mon diplôme et que j’allais perdre l’emploi que je venais de trouver.
En pleurs, je suis allée parler aux responsables du comité de discipline. De nombreuses étudiantes étaient là pour protester contre des punitions similaires, nous avons été traitées comme des criminelles.
Finalement, ma carte d’étudiant a été désactivée et j’ai été interdite de cantine et de dortoir. J’ai dû retourner dans ma ville d’origine. Au bout de quelques semaines, on m’a dit au téléphone que si j’abandonnais ma plainte contre la commission de discipline, l’arrêté de suspension de mes études serait levé. J’ai abandonné ma plainte et je suis retournée à Téhéran, mais on m’a empêchée d’entrer dans l’université. »
Nassim, née en 2001, étudiante en Arts appliqués, 6 mois d’interdiction
« J’ai entendu autour de moi que la sécurité de l’université allait faire pression sur les étudiantes qui ne portent pas le hijab. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’ils me convoquent au comité de discipline.
Les dames présentes portaient des masques. Nous ne les connaissions pas, mais elles prétendaient être nos avocats de la défense ! Il y avait des piles de dossiers, peut-être une centaine d’étudiantes accusées d’avoir désobéi au port du hijab, insulté les gardiens, ignoré les avertissements etc. Personne n’était autorisé à voir ces « documents » !
La plupart se sont vues interdire d’étudier pendant un ou deux semestres. Tout est allé très vite et nous n’avons reçu aucune notification écrite ou officielle. Tout a été annoncé verbalement, aucun moyen de se défendre.
Quelques jours plus tard, on nous a interdit d’entrer dans le dortoir. Beaucoup d’entre nous ont passé la nuit dans le couloir. Nous avons dû acheter rapidement des billets de bus et retourner dans notre ville natale.
Ce n’est pas seulement le droit d’étudier qui nous a été retiré, le dortoir était notre maison et nos amis étaient notre famille. Ils nous ont pris tout cela. Ils nous ont également pris Téhéran. Nous avons dû abandonner tout ce que nous avions construit ici. Nous revenons au début du chemin ! »
Shohreh, 22 ans, étudiante en Histoire de la Musique (et guitariste)
« J’ai la rage contre tous ces nouveaux responsables universitaires qui veulent nous écraser une par une et un par un.
J’ai été condamnée par le conseil disciplinaire de l’université à deux ans d’interdiction d’inscription dans toutes les universités pour les raisons suivantes :
– Avoir exigé une convocation écrite de Herassat (bureau de la sécurité de l’université) et non par téléphone.
– Absence le jour de ma convocation (et pour cause puisque j’exigeais un papier dûment signé)
– Atteinte à l’ordre universitaire pour avoir chanté mon histoire devant l’université en m’accompagnant à la guitare.
L’art contestataire étant un crime en Iran, j’ai été arrêtée, maltraitée, emmenée de force au bureau disciplinaire où on m’a signifié mon renvoi immédiat, dûment signé cette fois, avec la clause d’interdiction d’inscription. J’ai aussi une poursuite judiciaire, par suite d’une plainte de l’agent de sécurité qui m’avait agressée ! J’avais osé me défendre contre ses coups de talons dans mes tibias.
Grâce à votre aide je survis pour l’instant et j’ai pu payer les frais d’un avocat qui m’accompagnera au tribunal. Ce qui rassure mes parents même si moi je sais que c’est impossible de gagner contre le système. Ils se tiennent tous et nous n’avons aucune chance. »
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Pour elles, Mo-Ha a plus que jamais besoin de vous.
“En effet, après trois mois de soutien à une quinzaine d’étudiantes et alors qu’une vague de répression est à prévoir, il ne reste qu’un mois de financement en réserve dans la cagnotte. Merci par avance pour votre solidarité.”
N’oubliez pas de nous communiquer votre contact si vous contribuez par virement ou chèque ou bien sûr en espèces.Joindre certains donateurs n’étant pas possible, nous ne pouvons ni les remercier, ni leur transmettre un reçu, ni les informer des suites de l’action.
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Référence :
En Iran, des soins “psychologiques” imposés pour les femmes hostiles au voile obligatoire