Automne 2023, record d’exécutions et verrouillage des universités
Ces deux courts extraits vidéo datant respectivement du 5 et du 18 novembre sont très révélateurs de la césure profonde entre le pouvoir et la société civile, et tout particulièrement de la résistance de la jeunesse estudiantine.
Vidéo 1
Suite à la confiscation de la carte d’étudiante d’une de leur camarade, un groupe d’étudiants se rend au bureau du rectorat. Monsieur Jamshidiha, recteur de la faculté des sciences humaines de l’université de Tehéran, les menace et les insulte. « L’université n’est pas un bordel même si des étudiantes sont des prostituées ! » dixit le Recteur.
Vidéo 2
Cérémonie de remise de diplômes (maîtrises spécialisées) à l’université Pardis de l’île de Kich (Golfe Persique). Des lauréates ont pris le risque de s’afficher pour la photo de groupe sans le hijab, en présence de leurs camarades et de leurs professeurs qui les soutiennent.
Sommaire : Les exécutions capitales, mort d’Armita Geravand, les universités vues par le Professeur Zybakalam, Mo-Ha invitée à la Journée Internationale des Droits Humains à Lyon, le 9 décembre 2023.
2023 : une année record pour les exécutions capitales
Déjà plus de 600 pendaisons en 2023, en seulement dix mois ! Un record terrifiant depuis huit ans. L’association Iran Human Rights (IHR) appelle la communauté internationale à réagir.
Il y a peu de chance que cet appel soit entendu. L’actuelle crise aigüe au Proche-Orient monopolise logiquement l’attention médiatique et politique internationale. Une opportunité pour le régime iranien qui, comme pour toutes les dictatures, a le champ libre pour terroriser sa propre population à l’abri des regards. (Voir article Plus de 600 pendaisons en Iran en 10 mois (2023))
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À LA MÉMOIRE D’ARMITA GERAVAND,
Armita Geravand : l’adolescente morte le 28 octobre dernier suite à un long coma. Elle a été battue par les miliciennes des mœurs dans le métro pour refus du port du voile.
Des étudiants de l’université Kharazmi au pied de la montagne Alborz, en mémoire de Armita Geravand* : « Nous avons escaladé la montagne pour contempler l’aube et faire un pacte avec Armita. Nous continuerons la lutte pour l’Iran, un Iran où nous pourrons nous sentir chez nous (…) Un Iran sécurisé qui nous appartiendra (…) »
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Universités : une rentrée sous le signe du verrouillage
Après une année universitaire marquée par les arrestations, les interdictions d’études, les bannissements d’étudiant·e·s « rebelles » à l’autre bout du pays (voir article Retour sur une année de luttes ) et par la démission forcée des professeurs solidaires, la répression a franchi un nouveau pas en septembre, à la reprise des cours.
Le régime impose désormais un ordre islamo-militariste dans les enceintes universitaires : les miliciens y font leur loi, faisant irruption dans les salles de classe et les bibliothèques pour en extraire les étudiants et étudiantes « subversifs ». Ils ont aussi lancé la chasse aux homosexuel(le)s dans plusieurs universités.
Le gouvernement ne recule devant rien pour museler tout signe de contestation : confiscation des cartes d’étudiants, obligation de signer des « aveux » et de donner des gages d’obéissance pour les récupérer.
Un climat de terreur et de tristesse s’est instauré dans les universités, dont témoigne non sans humour noir le Professeur Zibakalam, observateur inlassable des dérives du régime.
« (…) Je me suis rendu à plusieurs reprises à l’université de Téhéran pour y rencontrer des collègues (…) À chaque visite, l’atmosphère devenait de plus en plus désolante : aucun signe de joie ou de l’habituelle énergie estudiantine.
Les posters couvrant les tableaux d’affichage et les murs, proposant des calendriers de conférences, de soirées poésie ou de débats entre étudiants (…) sont remplacés par des affiches d’instruction religieuse, d’excursions vers des lieux de pèlerinage et de commémorations des martyrs.
L’entrée de l’université, avec ses contrôles et ses fouilles, ressemble plus au passage de Rafa dans la bande de Gaza qu’à l’accès à un lieu d’enseignement. Tout cela pour contrôler les tenues des étudiantes et principalement le port du hijab. Même sans « infraction » vestimentaire, même avec une carte en règle, passer le check-point de Rafa semble plus accessible que franchir le portail de l’université ! (…)
Les signes de vie sont plus visibles au Paradis de Zahra (le grand cimetière de Téhéran – NDLR) ! Je n’ai pas souvenir d’une telle ambiance de terreur étouffante à l’université de Téhéran durant les 45 dernières années, pas même en 2009 (l’année de la terrible répression de la Révolution Verte – NDLR). Une chape de plomb à l’atmosphère militaro-sécuritaire pèse désormais sur l’université ! » .
Posté sur Instagram le 14 novembre 2023
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BIO
Sadegh Zybakalam, professeur émérite de Sciences Politiques, vit à Téhéran.
Enseignant à l’Université de Téhéran, il a dû démissionner au début du gouvernement Ibrahim Raissi pour « propagande contre le régime ».
Renommé tant en Iran qu’à l’étranger pour ses analyses fouillées et impartiales de la crise sociale, politique, économique et environnementale que traverse le pays, il est extrêmement actif sur les réseaux sociaux (6 millions d’abonnés sur Instagram).
« Expliquer et analyser en se basant sur les faits historiques et dénoncer les théories du complot » est sa devise. Insensible aux critiques, y compris celles de collectifs d’étudiants qui lui reprochent de n’être qu’un observateur en retrait, tout autant qu’aux pressions des autorités, Zibakalam dénonce la corruption des dirigeants, les promesses non tenues des réformateurs, les contradictions et mensonges des conservateurs.
Il relève avec ironie que la République Islamique, championne autoproclamée de la cause des Palestiniens, ne réussit pas à remplir la minuscule Place de Palestine de Téhéran pour des manifestations de soutien. Ce qui prouve que la politique étrangère intrusive du régime ne dupe plus personne. Les Iraniens, jeunesse en tête, sont avides de justice, de liberté et de prospérité.
Le slogan « Ni Gaza, ni Liban, ma vie est dédiée à l’Iran » scandé depuis des années par la jeunesse pour réclamer la priorité au développement du pays, est désormais passible de sanctions.
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Mo-Ha poursuit son action :
Fariba Hachtroudi représentera Mo-Ha lors de Journée Internationale des Droits Humains
9 décembre 2023
Hôtel de Ville de Lyon
Place de la Comédie – Lyon 1er
“Cette année, nous aborderons le sujet de l’État de droit, en présence notamment de Pinar Selek, d’Ariane Lavrilleux, de Me Marie-Josèphe Laurent, de David Dufresne, de Fariba Hachtroudi et de nombreux autres expert.e.s, militant.e.s des droits humains et grands témoins.”
>> Inscription obligatoire <<
Programme 2023 – Journée Internationale des Droits Humains
